Le 8 mai ?

Dans la nuit du 6 au 7 mai 1945, le chef d’état-major de la Wehrmacht a signé, à Reims, la capitulation de l’Allemagne avec une fin des combats fixée le 8 mai, à 23h01 précisément. Cette date est ainsi devenue depuis la « Fête de la Victoire » en France.

Cette année, c’est sous une météorologie capricieuse que cette cérémonie s’est tenue en présence de M. André Parant, Ambassadeur de France en Tunisie.
Le groupe « Mémoire des Sables » participait, comme à chaque événement mémoriel, à cette commémoration de la fin officielle d’une des plus grandes barbaries de l’histoire humaine.
La cérémonie du 8 mai se déroule selon un protocole militaire devant le monument aux morts du cimetière militaire français avec levée des couleurs, allocution de M. l’Ambassadeur, lecture par deux élèves de la lettre d’adieu de Missak Manouchian (voir ci-après) l’exécution des hymnes tunisiens et français et le dépôt de gerbes des diverses autorités présentes…

Dernière Lettre de Missak Manouchian (*)

Ma Chère Mélinée, ma petite orpheline bien-aimée,
Dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. Nous allons être fusillés cet après-midi à 15 heures. Cela m’arrive comme un accident dans ma vie, je n’y crois pas mais pourtant je sais que je ne te verrai plus jamais. Que puis-je t’écrire ? Tout est confus en moi et bien clair en même temps. Je m’étais engagé dans l’Armée de Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la Victoire et du but. Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement. Au moment de mourir, je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu’il méritera comme châtiment et comme récompense. Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur à tous…

J’ai un regret profond de ne t’avoir pas rendue heureuse, j’aurais bien voulu avoir un enfant de toi, comme tu le voulais toujours. Je te prie donc de te marier après la guerre, sans faute, et d’avoir un enfant pour mon bonheur, et pour accomplir ma dernière volonté, marie-toi avec quelqu’un qui puisse te rendre heureuse. Tous mes biens et toutes mes affaires je les lègue à toi à ta sœur et à mes neveux. Après la guerre tu pourras faire valoir ton droit de pension de guerre en tant que ma femme, car je meurs en soldat régulier de l’armée française de la libération. Avec l’aide des amis qui voudront bien m’honorer, tu feras éditer mes poèmes et mes écrits qui valent d’être lus. Tu apporteras mes souvenirs si possible à mes parents en Arménie.

Je mourrai avec mes 23 camarades tout à l’heure avec le courage et la sérénité d’un homme qui a la conscience bien tranquille, car personnellement, je n’ai fait de mal à personne et si je l’ai fait, je l’ai fait sans haine.

Aujourd’hui, il y a du soleil. C’est en regardant le soleil et la belle nature que j’ai tant aimée que je dirai adieu à la vie et à vous tous, ma bien chère femme et mes bien chers amis. Je pardonne à tous ceux qui m’ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendus. Je t’embrasse bien fort ainsi que ta sœur et tous les amis qui me connaissent de loin ou de près, je vous serre tous sur mon cœur.
Adieu.
Ton ami, ton camarade, ton mari.
Manouchian Michel.
P.S. J’ai quinze mille francs dans la valise de la rue de Plaisance. Si tu peux les prendre, rends mes dettes et donne le reste à Armène. M. M

(*) Missak Manouchian ou Michel Manouchian, né le 1ᵉʳ septembre 1906 à Hısn-I Mansur et mort fusillé le 21 février 1944 au fort du Mont-Valérien, était un ouvrier et poète arménien, immigré en France en 1925, et un résistant de premier plan au sein des FTP pendant la Seconde Guerre mondiale, présenté sur l’Affiche rouge de la propagande allemande comme le chef de l’« armée du crime ».